mardi 1 décembre 2009

Signaler les « salariés fragiles »

Le Parisien du 30-11-09 : « France Télécom : “Le secret médical est bafoué” »
« A la tête du principal syndicat des médecins du travail, Bernard Salengro condamne la demande faite par France Télécom de lui signaler les salariés qui doivent faire l’objet d’une attention particulière. Une démarche contraire, explique-t-il, au Code de déontologie médicale et même au Code pénal. »
http://www.leparisien.fr/economie/france-telecom-le-secret-medical-est-bafoue-30-11-2009-728399.php

Nombreux articles, presse, blogs, TV, relaient l’annonce des démissions d’une dizaine de médecins du travail chez France Télécom, sur soixante-dix environ, qui par ce geste fort expriment leur refus de « passer en revue l’ensemble des personnes qui devraient faire l’objet d’une attention redoublée ». Une « demande » de leur direction qui suppose la trahison du secret médical.

Si le médecin du travail a bien un rôle de conseil auprès de l’employeur, il lui appartient de traduire les plaintes individuelles en problèmes collectifs. Bernard Salengro donne un exemple : « Il peut dire que dans telle région ou sur tel poste, les salariés souffrent. Mais il est strictement interdit de nommer les malades, sauf exception de risques extrêmes comme un suicide. »

Pour le Dr Catherine Morel, médecin du travail qui suivait les salariés de France Télécom en particulier à Annecy, sa démission est avant tout motivée par « une impossibilité d'exercer son métier de médecin du travail ». En effet, théoriquement indépendants, les médecins du travail sont salariés par l’entreprise qui peut exercer des pressions sur leur activité : ignorer les recommandations d’ajustement de poste, rejeter les conseils de mutation, refuser les demandes d’adaptation temporaire d’objectifs de productivité… alors même que l’employeur est tenu de les suivre.

Le Dr Morel dénonce dans une lettre adressée à sa direction le manque de moyens auquel elle s’est heurtée : « Pendant ces deux années, et encore plus depuis les derniers événements dramatiques, j'ai eu le sentiment d'être cantonnée au cabinet médical uniquement dans l'écoute de salariés en souffrance, sans aucun moyen d'action pour faire évoluer ce constat négatif. »

« Sans aucun moyen d’action », ainsi exclue de la lutte contre la souffrance des salariés qui a conduit à des suicides, le médecin exprime sa propre souffrance au travail quand elle constate la perte de son pouvoir agir dans l’intérêt de la santé des salariés alors que, de part ses fonctions de médecin du travail, elle devrait disposer du pouvoir de les protéger contre des conditions de travail nocives pour leur santé physique ou psychique.

Dans cette position difficile, comment le médecin du travail peut-il développer la confiance des salariés malades à cause de leur travail ? Hommes et femmes qui ne sont pas à regarder comme fragiles mais comme des fenêtres ouvertes sur les dysfonctionnements de l’organisation du travail.

Valérie Tarrou

Le Service de santé au travail est chargé de veiller à la santé et à la sécurité des salariés. Le médecin du travail, a un rôle de conseil auprès de l’employeur, des salariés et représentants du personnel dans la prévention des risques et l’amélioration des conditions de travail. Suivant l'importance de l'entreprises, le service de santé au travail peut être propre à une seule entreprise ou commun à plusieurs. Ces services peuvent être assurés par un ou plusieurs médecins du travail. Ce choix est fait par l'employeur, sauf opposition des représentants du personnel préalablement consultés. Les dépenses liées aux services de santé au travail sont à la charge des employeurs ; dans le cas de services interentreprises, ces frais sont répartis proportionnellement au nombre des salariés.

1 commentaire:

  1. DAGUISE Danielle03/12/2009 09:05

    Sans doute les médecins du travailsont confrontés à la résistance du réel matériel de leur travail. leur position d'intermédiaire entre les salariés en souffrance et les hiérarchies elles-mêmes contraintes dans une organisation à vocation première de rentabilité économique, leur demande l'invention de nouvelles pratiques de travail. Ils ne le pourront, à mon avis, qu'en faisant remonter le débat au niveau de leur collectif de travail, pour rassembler leur vécu, leurs outils et coopérer pour se réapproprier leur métier. encore faut-il qu'il y ait un collectif vivant.
    Danielle DAGUISE

    RépondreSupprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.